Paul Figuier une voix à la française
Parmi la nouvelle génération de contre-ténors, Paul Figuier se démarque par une voix chaleureuse d’alto qui lui vaut des succès tant sur les scènes d’opéra qu’en concert. Ce mois-ci, il enchaine les apparitions en région parisienne, embrassant toutes les facettes du répertoire baroque.
« J’ai commencé le chant à 11 ans, dans une classe maitrisienne que j’ai suivie jusqu’à mon bac. Mes parents étaient de grands amateurs de musique baroque, et j’ai eu la chance dès mon enfance d’écouter Monteverdi ou même Schütz. Cela faisait partie de mon univers musical dès le départ, puis j’ai intégré le Centre de Musique Baroque de Versailles où j’ai pu étudier ce répertoire. » Très rapidement, la tessiture de contre-ténor s’est imposée au chanteur : « Je me souviens qu’avant même de commencer le chant, j’avais écouté l’Orfeo de Monteverdi dirigé par René Jacobs. Andreas Scholl interprétait l’Espérance, et j’avais été fasciné par cette voix. Je pense que ce moment a conditionné mon choix d’être contre-ténor. J’ai beaucoup écouté ce chanteur par la suite, mais aussi Dominique Visse, Alfred Deller, Gérard Lesne... Je me sentais proche de toute cette grande famille et je chantais par pur mimétisme de ces voix, sans penser au départ aux questions de technique vocale. »
Des modèles, Paul Figuier en a trouvés aussi dans les générations suivantes : « J’admire beaucoup Damien Guillon, mais aussi Philippe Jaroussky. Il a fait évoluer les choses car il a été l’un des premiers à réinterpréter certains rôles habituellement chantés par des mezzo-sopranos, ce qui a ouvert beaucoup de possibilités. Aujourd’hui il n’y a presque plus de limites à ce qu’on peut faire en termes de répertoire, comme le montrent très bien des chanteurs comme Franco Fagioli. Cela a aussi permis de reconnaitre que parmi les contre-ténors, il existe plusieurs tessitures différentes. Il y a des contraltos, des altos, des sopranistes, des mezzos… Je trouve tout cela passionnant et c’est une réalité vocale. Ce sont des voix qui n’ont ni le même centre dans la tessiture, ni le même emploi. »
La scène avant tout
Ces derniers temps, tout semble sourire au contre-ténor qui a fait des débuts remarqués en Rinaldo à l’Opéra d’Avignon : « En début de carrière, on doit prendre des risques car il faut aborder des rôles de plus en plus importants. Rinaldo est un rôle händélien mythique et l’un des sommets de l’opera seria, un grand challenge donc. Sentir que je pouvais l’interpréter m’a donné confiance, parce que même si je le savais en théorie, il faut pouvoir l’expérimenter sur scène pour s’en convaincre réellement. Ce sont des déclics comme ceux-là qui permettent de se solidifier et de grandir. » En avril, Paul Figuier se produira à la Seine Musicale dans un programme Bach, au Musée de l’Armée avec le Stabat Mater de Pergolesi ainsi qu’au Théâtre Grévin pour un récital d’airs de cour : « Bach fait partie de mes répertoires de prédilection. Sa musique est tellement riche que le rapport qu’on a avec elle peut évoluer beaucoup avec le temps. Enfant, je me souviens que je trouvais certains airs très beaux, mais d’autres beaucoup trop complexes. Certains sont selon moi l’un des sommets de la difficulté vocale qu’on peut trouver en musique baroque, et j’avoue que plus jeune, je n’étais pas prêt et mon oreille était trop naïve. Aujourd’hui cette musique me parle beaucoup mieux, et vocalement, j’ai plus d’armes pour pouvoir lui rendre justice. » Quant à l’iconique Stabat Mater de Pergolesi, il s’agit d’un amour de longue date : « Je pense c’est l’œuvre que j’ai le plus souvent chantée dans ma vie. Paradoxalement je ne l’ai pas interprétée depuis plusieurs années et c’est donc avec grand plaisir que j’y retourne. Quand j’étais en maitrise, je chantais la partie de soprano, maintenant je chante la partie d’alto… Je connais le Stabat Mater sous toutes ses facettes. La difficulté est de se l’approprier, sans coller aux célèbres enregistrements qu’on a en tête. » Avec les airs de cour, le contre-ténor revient par ailleurs aux prémices de sa formation : « Quand on passe par le Centre de Musique Baroque de Versailles, on est toujours piqué par la passion de la musique baroque française. C’est un répertoire somptueux, avec une poésie très particulière que j’aime beaucoup. Je suis très heureux de l’interpréter, même si aujourd’hui j’essaie avant tout de me concentrer sur l’opéra. »
Et l’opéra, il y reviendra très bientôt avec une production de l’Orfeo de Sartorio qui se donnera au mois de juin à l’Opéra de Montpellier sous la direction de Philippe Jaroussky : « C’est un ouvrage rare, qui se situe dans la tradition de l'opéra vénitien de la seconde moitié du xviie siècle. Le livret propose une variante du mythe d'Orphée, y adjoignant une tripotée de personnages et d'intrigues. S'y côtoient rôles sérieux et comiques. Mon personnage, Achille, forme une sorte de duo très sympathique (et improbable aussi !) avec Hercule. Je pense qu’on va beaucoup s’amuser. » Les envies ne manquent pas au chanteur pour la suite de sa carrière : « J’aimerais beaucoup créer un rôle contemporain un jour, car je trouve que le rapport entre le compositeur et le chanteur est passionnant. Je rêve aussi d’interpréter Oberon dans le Songe d’une nuit d’été de Britten, et des grands rôles händéliens comme Bertarido dans Rodelinda. » Avec le talent et la rigueur de travail de Paul Figuier, les étoiles ne peuvent que s’aligner.
Élise Guignard