Portraits d'artistes - Piano

François-Frédéric Guy joue Chopin

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Figure incontournable du piano romantique, François-Frédéric Guy évoque son attachement profond à Chopin à l’approche de son récital au Festival Chopin à Paris. Il nous invite à redécouvrir les pages incandescentes d’un compositeur que l’on croit, à tort, trop bien connaître.

Pour le pianiste français, le Festival Chopin à Paris est un rendez-vous familier : « J’y ai été invité pour la première fois en 1993. Ariel et Antoine Paszkiewicz, à la tête de l’événement, sont devenus au fil des années des amis très chers, d’une fidélité incroyable. Je reviens régulièrement dans leur festival, et avec grand plaisir, d’autant plus que le cadre de l’Orangerie du Parc de Bagatelle crée une sorte de magie. » Parmi ses nombreux souvenirs liés aux précédentes éditions, François-Frédéric Guy évoque celui qui est resté gravé à jamais dans sa mémoire : « Vers la fin des années 1990, j’étais venu écouter l’immense pianiste américain Byron Janis — l’un des rares élèves d’Horowitz. Je l’avais écouté toute mon enfance, des centaines de fois, sur un disque mythique où figuraient le premier concerto de Rachmaninov et le troisième concerto de Prokofiev. Je pourrais presque dire que c’est ce disque qui a lancé ma vocation de pianiste. Assister pour la première fois à l’un des concerts de ce géant du piano fut un moment exceptionnel. Je suis allé le voir à la fin pour avoir un autographe et je lui ai raconté cette petite histoire en lui disant que j’étais devenu pianiste grâce à lui. »

Une longue quête intérieure

Si le musicien a travaillé en profondeur sur Beethoven, Brahms ou Liszt, sans oublier le répertoire du XXe siècle, Chopin reste son compositeur de cœur : « Il est celui qui m’accompagne le plus intimement depuis toujours. J’entendais mon père le jouer tous les soirs, quand j’étais petit. Il était pianiste amateur, mais il jouait bien. Au fil de mon parcours, il m’a fallu trouver mon propre Chopin, ce qui fut un travail de longue haleine. Pendant le Covid notamment, j’ai pris le temps de tout revisiter et j’ai vraiment pu m’approprier cette musique. Comme pour tout répertoire exigeant, on cherche pendant des années, et un jour, on trouve. Ce qu’on portait en soi depuis toujours, sans avoir su l’exprimer, prend enfin forme. » Cet amour pour la musique du compositeur franco-polonais a mené le pianiste à lui consacrer un double-disque il y a deux ans pour le label La Dolce Volta : « C’est un programme très dense avec deux heures de musique. J’ai enregistré le disque sur un piano Pleyel de 1905, entièrement restauré. Ce n’est pas exactement un piano d’époque — les pianos du temps de Chopin sont très différents, il faut presque des spécialistes pour les jouer. Mais ce Pleyel représente sans doute ce que Chopin aurait rêvé d’avoir comme instrument. Il combine la clarté des anciens instruments avec une mécanique moderne. J’ai eu un vrai choc en le découvrant pour la première fois. » Le programme prévu pour le festival Chopin le 11 juillet reprend en grande partie celui du disque : « On part des premiers Nocturnes, des œuvres de jeunesse, pour arriver à la Fantaisie-Impromptue puis à la Polonaise-Fantaisie, qui est vraiment la pièce la plus aboutie, tout comme la troisième sonate mais je l’avais déjà interprétée au festival il y a deux ans, précisément au moment de la sortie du disque. Ce sont des pièces exceptionnelles, même si Chopin n’aimait pas sa Fantaisie-impromptue. Il n’a d’ailleurs jamais voulu la publier — elle l’a été de manière posthume. Mais le thème principal est irrésistible et j’aime ornementer la partie centrale. 

Le feu sous la glace

Avec une passion éclairée, le pianiste évoque les subtilités du style de Chopin : « La complexité de l’écriture tient à la position charnière du compositeur, à mi-chemin entre deux mondes : celui du classicisme et celui du romantisme. Il ne faut pas oublier non plus qu’il était féru des œuvres de Bach. Mais le programme du 11 juillet me rappelle avant tout les mots d’André Gide au sujet de sa musique : le feu sous la glace. On peut apprécier la simplicité sublime de certains Nocturnes, mais le récital est traversé avant tout de grondements sourds, de marches presque funèbres, qui débouchent sur de véritables cataclysmes sonores, des volcans qui emportent tout sur leur passage. C’est une facette du compositeur que le grand public ne soupçonne pas toujours. » S’il a déjà souvent tenté l’expérience pour Beethoven, François-Frédéric Guy propose pour la première fois un récital monographique entièrement consacré au compositeur franco-polonais. Un choix qui lui tient à cœur : « Habituellement, j’aime jouer deux ou trois compositeurs. Je joue souvent une première partie Chopin et ensuite une grande sonate, de Beethoven ou de Liszt, mais là, je voulais construire une sorte de crescendo intérieur, une immersion, qui est dans l’esprit du disque. »
Après le concert à Bagatelle, François-Frédéric Guy fera également escale au festival de La Roque d'Anthéron pour le concert de clôture, tout en continuant la préparation de projets de grande envergure : « Je suis en train d’enregistrer ma deuxième intégrale des sonates de Beethoven, pour La Dolce Volta, qui sortira à Noël 2026, année anniversaire. Puis en mai 2026 je dirigerai depuis le piano les cinq concertos de Beethoven à Hong Kong avec le Hong Kong Philharmonic. » Des événements appelés à marquer les esprits !

 

Elise Guignard - publié le 01/07/25

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