Florie Valiquette soprano lumineux
De plus en plus demandée dans le milieu musical, la soprano canadienne enchaine les productions tout au long de l’année, notamment à Versailles où elle est une invitée régulière depuis quelque temps.
Florie Valiquette avait été remarquée à Versailles en 2019 en incarnant Pamina dans La Flûte enchantée. En novembre dernier, elle incarnait cette fois Susanna dans Les Noces de Figaro : « Laurent Brunner, le directeur, m'offre de magnifiques opportunitées, et j’ai eu la chance de prendre part à plusieurs enregistrements pendant la pandémie. Il y a beaucoup de sorties de disques cette saison. » Parmi cette riche discographie, citons d’abord son album solo qui sort ce mois-ci et qui sera introduit par un concert de lancement : « J’ai longuement discuté de ce projet avec Laurent Brunner, et nous avons pensé qu’il serait intéressant d’explorer des airs du début du courant de l’opéra-comique. On voulait se concentrer en particulier sur des opéras inspirés par la mode orientaliste et le goût pour l’exotisme. J’ai bâti le programme avec le chef d’orchestre, Gaétan Jarry, et je le trouve à notre image. On voulait quelque chose de coloré, nuancé, avec des moments qui soient des feux d’artifice scintillants, mais aussi des moments de recueillement et de sensualité. Le disque est centré sur des figures de femmes captives en quête de liberté et d’amour. » Le programme fait la part belle à des compositeurs peu joués comme Grétry ou Philidor : « Ce sont des compositeurs qui ont été très appréciés à leur époque, et il est intéressant de les retrouver parce qu’on les a un peu oubliés. J’ai eu la chance de chanter le rôle-titre de Zémire et Azor de Grétry en début de carrière quand j’étais encore au Québec, et j’ai été heureuse de retrouver ce personnage et de l’enregistrer. J’ai aimé explorer aussi de nouveaux rôles, comme celui de Constance dans L’Enlèvement au sérail de Mozart, qui me parle beaucoup. Qui sait, peut-être qu’un jour je le chanterai intégralement. Enregistrer un air en disque sans public et sans nécessairement avoir incarné sur scène le rôle est une expérience particulière, il faut s’imaginer la mise en scène et se créer son propre univers. Mais c’est toujours un bonheur de chanter Mozart. Gaëtan Jarry est aussi allé chercher une pièce rare de Gibert, les Trois sultanes. C’est un petit bijou pour voix, harpe et continuo. J’ai aussi ajouté deux duos d’amour à l’album, enregistrés avec mon compagnon. » L’enregistrement, réalisé en décembre 2020 en pleine pandémie, fut un moment de grâce dans la tempête : « J’avais croisé brièvement Gaétan Jarry avant le projet et je suis vraiment contente que Laurent nous ait réunis, je n’aurais pas pu compter sur un meilleur chef d’orchestre pour cet enregistrement. C’est un homme d’une grande sensibilité qui a une énergie débordante. Travailler avec lui m’a beaucoup nourrie. Nous avons enregistré à une période difficile pour tout le monde mais la musique qu’on avait choisie, envoutante, dansante, nous a donné de la joie. C’est un disque qui fait du bien et j’espère que les auditeurs le ressentiront ainsi. »
Le théâtre dans le cœur
Parmi les autres disques parus ou à paraître figurent Le Destin du Nouveau Siècle de Campra et les Leçons de ténèbres de Couperin : « On a enregistré ces œuvres pendant le confinement et on va enfin pouvoir les donner en concert en avril. On me demande de plus en plus souvent de chanter du répertoire baroque français et c’est un répertoire qui me plait énormément. J’aime beaucoup son aspect théâtral et l'importance accordée au texte. J’ai toujours été attirée par le théâtre, j’en ai fait durant ma jeunesse, j’ai fait de la comédie musicale aussi. Même dans les œuvres sacrées, par exemple les Leçons de ténèbres qu’on a enregistrées, on peut aller trouver une dramaturgie. Avec Stéphane Fuget on a cherché les émotions au plus profond qu’il était possible d’aller. Les Leçons de ténèbres sont célèbres, elles ont souvent été enregistrées, donc on peut donc écouter les grandes références pour s’inspirer mais il est surtout très important de s’approprier la musique et de rester soi-même dans son interprétation. À l’inverse je ne connaissais pas jusqu’à récemment Le Destin du Nouveau Siècle de Campra. On l’a enregistré il y a un an et demi, et j’ai hâte de me replonger dans cette très belle œuvre pour le concert qu’on fera en avril. » Mais la soprano n’est pas réclamée uniquement à Versailles, loin de là. Cette saison elle a notamment chanté Gabrielle dans La Vie parisienne à l’Opéra de Rouen puis au Théâtre des Champs-Élysées, Sophie dans Werther à l’Opéra de Lyon, et le rôle-titre de Phryné de Saint-Saëns, enregistré avec le Palazetto Bru Zane et Hervé Niquet : « Phryné était la première partition de Saint-Saëns que je chantais, ce fut une très belle découverte. Nous sommes dans l’univers de l’Antiquité mais il y a aussi beaucoup d’humour. Certains moments sont absolument sublimes. J’avais déjà collaboré avec Hervé Niquet et ces retrouvailles ont été réjouissantes. » L’avenir est plein de promesses pour Florie Valiquette : « J’aimerais refaire certains rôles, comme Susanna, qui me colle à la peau. Je vais continuer également à faire beaucoup de musique française. Chanter Manon serait un rêve. Le bel canto italien m’attire aussi car je n’ai pas encore fait ces rôles-là. » Un parcours à suivre !
Élise Guignard