Francesco Piemontesi au plus près du cœur

Pianiste réfléchi et intense, le suisse Francesco Piemontesi s’est donné du temps pour aborder un large répertoire qu’il maîtrise désormais à la perfection à l’image du Quatrième Concerto de Beethoven, œuvre phare dont il saisira toute la plénitude en compagnie de l’Orchestre Philharmonique de Radio France.
Reconnu comme interprète d’élection de Mozart, Schubert, Liszt, Debussy…, Francesco Piemontesi a grandi au contact de maîtres (en premier lieu Cécile Ousset, mais aussi Alfred Brendel, Murray Perahia, Alexis Weissenberg, le violoncelliste Heinrich Schiff…) qui lui ont transmis chacun à leur manière l’essence de leur art quintessencié dans des styles complémentaires. Par ses origines (il est né à Locarno dans le Tessin), ce lauréat du Concours Reine Elisabeth en 2007 a été immergé dès l’enfance dans les cultures allemande, française, italienne et a su en extraire la substantifique moelle. On le retrouve ce mois-ci à Paris avec l’Orchestre Philharmonique de Radio France qui lui est familier : « C’est une formation d’exception dont j’affectionne la fluidité, la transparence et l’homogénéité ainsi que l’investissement des musiciens. Le pupitre des vents est constitué de solistes à la sonorité unique. »
Le Quatrième Concerto de Beethoven : un véritable enjeu
Le Concerto n° 4 de Beethoven est une partition que Francesco a eu l’occasion de jouer maintes et maintes fois et qu’il remet sans cesse sur le métier. Il se réjouit de retrouver à Radio France le chef britannique Robin Ticciati avec lequel il a déjà collaboré et qu’il apprécie pour la fluidité et la souplesse de sa gestique. « Ce Concerto demande, au-delà de la forme, une clarté et une luminosité parfois schubertienne. On marche en quelque sorte sur des œufs et il faut continuellement être en osmose avec le chef. Il est impossible de faire cavalier seul car la partition relève de la musique de chambre. Le piano parfois est un accompagnateur, à d’autres occasions il précède l’orchestre en proposant ses propres idées ou en faisant des commentaires. A la fin du premier mouvement très développé et majestueux, la cadence est en soi une Sonate dans le Concerto ; c’est un moment périlleux à jouer tel un poème symphonique pour piano seul. Même dans le Vingt-septième et dernier Concerto de Mozart, la cadence n’atteint pas de telles proportions. C’est l’époque de la Cinquième Symphonie mais aussi de l’évolution du pianoforte dont Beethoven prend en compte les nouvelles proportions comme il le fera dans la Sonate Hammerklavier. L’Andante con moto est une prière et un drame à dévoiler. Cette atmosphère est difficile à rendre face aux injonctions brutales des cordes ; il faut pour cela être en totale communication avec les autres partenaires. Beethoven a délibérément fait de ce bref mouvement une préparation au final qui arrive sans transition comme plus tard Schumann l’expérimentera dans son Concerto en la mineur. Ici s’exprime la joie et la vitalité comparables au final de la Septième Symphonie avec cette énergie sans frein à la tension prenante où chacun doit faire corps. »
Une grande ouverture d’esprit
Francesco Piemontesi est un interprète très recherché qui se produit en récital ou en concerto aux quatre coins de la planète sans oublier la musique de chambre qu’il a souvent pratiquée au début de sa carrière. A quarante-deux ans, il se montre lucide sur la condition de l’artiste en prise aux aléas du temps : « Je suis heureux de pouvoir faire de ma passion une profession tout en en connaissant les contraintes et la part d’impondérable que cela représente. » Après un superbe enregistrement en 2023 des Etudes d’exécution transcendante et de la Sonate en si mineur de Liszt (chez Pentatone), vient de sortir (pour le même label) un CD Brahms comportant le Concerto n° 2 gravé live à Leipzig sous la direction de Manfred Honeck : « C’est une œuvre que j’ai abordée adolescent et qui m’est très chère. Je me réjouis de cette parution, d’autant que dans les années 1970, ma professeure Cécile Ousset en avait déjà donné sa version au disque avec Kurt Masur et le Gewandhaus de Leipzig. En quelque sorte, la boucle est bouclée. » Il sera également en récital au Théâtre des Champs-Elysées le 26 janvier 2026 dans un programme autour de Schubert (Sonate D. 894) et Liszt (Première des Années de Pèlerinage, la Suisse). Un retour aux sources pour cet artiste attachant dont l’humilité est à la hauteur d’un immense talent à la fois profond et raffiné.
Michel Le Naour - publié le 09/09/25