Portraits d'artistes - Chef

Marc Minkowski Énergie débordante

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Fondateur des musiciens du Louvre, chef invité très demandé, directeur général de l’opéra de bordeaux depuis 2016, Marc Minkowski aborde une rentrée où il occupe solidement la scène musicale, avec deux productions scéniques semblant aux antipodes l’une de l’autre.

Les aléas de la crise sanitaire, qui ont vu les salles de concert fermer leurs portes la saison passée, n’ont certes pas condamné Marc Minkowski à un désœuvrement total : « Après le confinement, j’ai tout de même dirigé à Bordeaux des petits projets, notamment dans les hôpitaux, dont je suis très fier. Mais il est vrai que cette rentrée s’avère très chargée. Actuellement, à l’Opéra de Bordeaux, je suis avec beaucoup d’attention la préparation de La Traviata, une production dirigée par notre directeur musical, Paul Daniel, production qui, certes, va jouer avec une demi-jauge mais qui va jouer tout de même. Avec Les Musiciens du Louvre, je viens de donner les Symphonies n° 39 et 41 de Mozart en Espagne et arrivent maintenant deux productions au Théâtre des Champs-Élysées et à l’Opéra Comique, alors que je n’ai pas dirigé à Paris depuis quelque temps. Nous enchaînons sur la reprise de Der Messias à Genève en octobre et, tout de suite après, j’effectue mon retour à la tête du Philharmonique de Berlin. En novembre, je vais de nouveau à Berlin cette fois pour Mitridate Re di Ponto de Mozart dans la fosse du Staatsoper avec Les Musiciens du Louvre ». Ce calendrier fiévreux n’effraie guère cette véritable force de la nature, bien au contraire : « Je dois avouer que tout cela crée en moi une certaine euphorie. Je tiens vraiment à remercier les équipes aussi bien de ma maison à Bordeaux, que du Théâtre des Champs-Élysées, de l’Opéra Comique et du Grand Théâtre de Genève. Je suis en contact avec elles depuis des mois pour que ces événements puissent se tenir et il leur a fallu un courage incroyable pour faire face à la situation ».

Quel est donc ce Der Messias qui va occuper la scène de l’Avenue Montaigne ? Il s’agit de l’un des chefs-d’œuvre de Händel que Mozart a adaptés au goût de son temps : « Ce projet s’inscrit comme la suite des cinq années que j’ai passées comme directeur artistique des Mozartwoche de Salzbourg, fonction reprise ensuite par Rolando Villazon. Rolando m’a demandé de retourner au festival comme invité – nous avons créé le spectacle en janvier 2020 – et, admirateur de Robert Wilson, il a eu cette idée qui, à vrai dire, ne souffre aucune discussion, car il s’agit bien d’un festival Mozart. J’y avais moi-même programmé Acis et Galatée de Händel également dans la version Mozart ». 

UN MESSIE STATUESQUE

Cela ne signifie nullement que l’exercice va de soi : « Händel est mon pain quotidien, et il m’est parfois étrange d’aborder la pièce de musique anglo-saxonne la plus connue du monde dans cette version. Mais elle a été interprétée et enregistrée plusieurs fois par des artistes fort intéressants. Ce fut le baron Baron Van Swieten, grand ordonnateur d’événements à Vienne, qui demanda à Mozart de réaliser également des arrangements du Messie, d’Acis et Galatée, ou encore des Odes à Sainte Cécile. Le résultat est passionnant car on a parfois le sentiment d’entendre surgir le Requiem : comme dans ce dernier, Mozart a introduit des trombones dans certains chœurs, sans compter des contrepoints de flûte, clarinette et basson comme dans La Flûte enchantée et certaines symphonies. Des airs attribués à certaines voix par Händel sont confiés par Mozart à d’autres tessitures mais il faut se rappeler que Händel lui-même a agi de cette manière au gré des multiples versions de son œuvre. Par ailleurs, Mozart débute certains chœurs par des petits groupes qu’il développe progressivement en faisant appel au tutti, alors que Händel écrit tout d’un bloc. Mais globalement, la partition garde son aspect, sans qu’aucune mesure n’ait été modifiée. Der Messias est un peu plus statuesque et marbré, peut-être plus sombre, que The Messiah. Je crois qu’il convient parfaitement à l’esthétique de Robert Wilson avec lequel je me suis très bien entendu. C’est notre première collaboration et la rencontre a été très émouvante. Cela faisait des années que j’assistais à ses spectacles et nous nous sommes découvert beaucoup de passions communes, même si nos univers sont très différents ». 

RETOUR AUX SOURCES

Après ce projet, Marc Minkowski et ses Musiciens du Louvre remontent dans le temps, avec, à l’Opéra Comique, le Bourgeois Gentilhomme de Molière et Lully, dans une mise en scène de Jérôme Deschamps. Grand écart stylistique ? Oui et non : « C’est ce que j’aime dans la vie : passer dans des univers et des répertoires différents, de Mozart à Lully, passer du rôle d’administrateur à celui de directeur artistique ou de chef d’orchestre. Je me réjouis de retrouver Jérôme qui réalise ici une double performance d’acteur et de metteur en scène. Pour lui, le spectacle est un véritable marathon ». Il est indéniable que s’opère une manière de retour aux sources : « Le disque des musiques de ces comédies-ballets nous a fait connaître en 1987 et il est resté vivant dans l’oreille des mélomanes parce que Les Inconnus ont repris quelques secondes de la chaconne de L’Amour médecin pour leur clip Auteuil Neuilly Passy. Je n’ai jamais dirigé Lully à l’Opéra Comique – j’y ai fait Platée de Rameau et des opéras du xixe siècle – mais j’ai joué dans la fosse pour la résurrection d’Atys avec William Christie et ce sont des souvenirs très forts. Lully est toujours resté l’un de mes compositeurs de chevet et même si je n’ai plus beaucoup de temps à lui consacrer, il conserve toute mon admiration. Le Bourgeois est un bijou du répertoire patrimonial français ; il est un peu l’ancêtre de la comédie musicale car toute la partie théâtrale semble organisée pour aboutir sur les scènes de musique. Je dirais même que toute la pièce est quasiment construite pour atterrir sur le clou de la pièce, la célèbre Cérémonie turque – mais, à vrai dire, on assiste à des apothéoses à tous les coins de pages, c’est absolument remarquable ». 

La comédie musicale constitue l’une des passions de Marc Minkowski : notre chef nous concocterait-il une surprise dans ce domaine ? Avec un artiste aussi inventif et dynamique, rien n’est impossible.

Yutha Tep

Du Tac au Tac

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    L’Empire contre-attaque, je peux le voir 10 fois de suite.
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