Portraits d'artistes - Chef

Klaus Mäkelä chef prodige

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La prise de fonction par Klaus Mäkelä en tant que directeur musical de l’Orchestre de Paris devait intervenir à la rentrée 2022 mais s’est effectuée dès ce mois de septembre 2021, signe de l’entente régnant entre la phalange parisienne et la jeune étoile de 25 ans.

Les observateurs avaient beau connaître la vitalité prodigieuse de l’école de direction finlandaise, l’annonce de la nomination de Klaus Mäkelä comme directeur musicale de l’Orchestre de Paris en juin 2020 les prit de court, s’agissant d’une baguette aussi jeune. Ils avaient pourtant été préparés par la réputation de prodige de cet élève de Jorma Panula, un dieu sur terre dans le domaine de la direction d’orchestre, qui le prit sous son aile alors qu’il n’avait que 12 ans. En outre, plusieurs concerts avaient démontré la complicité évidente liant Klaus Mäkelä et un orchestre dont les musiciens avaient apprécié d’emblée la modestie chaleureuse et l’efficace précision. La « griffe Panula » certainement : « J’ai passé six merveilleuses années avec Jorma Panula. Si vous voulez être un grand pédagogue, vous devez posséder une grande finesse psychologique et la capacité de choisir judicieusement vos élèves. Il est un parfait exemple de cette sagesse. Il est aussi très finlandais en ce qu’il est une personnalité exceptionnelle mais très discrète. Il prononce peu de paroles et quand il le fait, c’est toujours pour souligner quelque chose d’important et donner le bon conseil à la bonne personne. Il laisse à ses élèves toute liberté pour trouver leur propre voie ».

Un lien spécial avec un orchestre

Très vite, la carrière de Klaus Mäkelä explose, les engagements s’accumulant au plus haut niveau international. La relative perplexité accueillant sa nomination à Paris provenait également du fait que le jeune chef venait de consolider ses relations avec le Philharmonique d’Oslo, devenant Chef principal et Conseilleur artistique de l’orchestre norvégien. Pour Klaus Mäkelä, cette articulation franco-norvégienne constitue un privilège et une joie : « Nous autres, chefs d’orchestre, voyageons sans cesse, séjournant une semaine dans une ville, puis une autre semaine dans une autre ville. J’éprouve beaucoup de joie à découvrir un lieu, une culture, mais après un certain laps de temps, on acquiert la conviction que l’on ne peut pas obtenir le meilleur résultat artistique possible qu’en posant ses valises quelque part. Il y a aussi le fait qu’on ressent parfois un lien spécial et intense avec un orchestre. J’ai pris la décision de devenir directeur musical de deux orchestres éminemment différents, dans deux villes et deux salles très différentes aussi, mais qui jouent tous les deux à un très haut niveau, et j’en tire un plaisir immense. Cela me permet de diversifier ma façon de diriger car ce qui marche pour Oslo ne marchera pas pour Paris. C’est extrêmement formateur et plaisant ».

L’affection évidente des musiciens de l’Orchestre de Paris envers lui fait écho à l’admiration manifeste que Klaus Mäkelä éprouve à leur égard : « Je suis toujours impressionné par la rapidité avec laquelle l’orchestre comprend une partition. J’ai par exemple abordé avec lui Le Mandarin Merveilleux de Bartók, une œuvre particulièrement complexe. Au bout de seulement une heure de travail, les musiciens auraient tout à fait pu le donner en concert. Ils ont une capacité incroyable à surmonter les défis des partitions les plus difficiles, y compris les pièces contemporaines. Plus d’une fois, un compositeur s’est montré stupéfait par le niveau atteint dès la première répétition. Je pense que cette compétence est très liée à l’enseignement du solfège en France. D’une manière générale, je trouve formidable que les orchestres deviennent internationaux mais dans le cas de l’Orchestre de Paris, il demeure tout de même une personnalité très particulière, la certitude d’une école de jeu spécifique avec un certain idéal dans la conception du son. En outre, c’est un orchestre qui rassemble des personnalités, caractéristique que j’adore, parce qu’au bout du compte, la musique est une question de personnalité ».

De quoi alimenter une ambition artistique affirmée avec sérénité : « La grande responsabilité d’un directeur musical est d’assurer le développement artistique de son orchestre et cela n’est possible qu’avec un choix judicieux des partitions. J’ai le double privilège de diriger un orchestre merveilleux et de le faire dans l’une des meilleures salles du monde. Le fait d’être à la Philharmonie fait toute la différence : quand on doit choisir un répertoire, on le fait aussi en fonction de l’espace dans lequel la musique se déploie. À la Philharmonie, on peut jouer, littéralement, n’importe quelle pièce avec n’importe quel effectif, d’un musicien seul à la masse sonore que nécessite la Symphonie n° 8 de Mahler. Un orchestre a besoin d’une salle dans laquelle son public se sent bien, par laquelle il est inspiré ».

Un public unique au monde

Klaus Mäkelä rend au passage un hommage appuyé à un public qu’il connaît de mieux en mieux : « Le public parisien est tout à fait unique au monde. Il montre un immense appétit pour la musique et à la Philharmonie, j’ai découvert un auditoire très varié, allant de jeunes mélomanes à d’autres beaucoup plus expérimentés. Ce public peut changer, naturellement, mais un directeur musical doit construire avec lui une relation de confiance. Il faut que le public puisse se dire : je ne connais pas cette musique, mais je vais aller jeter une oreille ».

On oublie un peu trop vite que le prodige de la baguette se double d’un instrumentiste talentueux mais Klaus Mäkelä entend bien le rappeler dans les prochaines saisons : « Le violoncelle demeure évidemment ancré dans mon cœur. Je n’ai jamais arrêté de jouer mais j’ai dû naturellement modifier certaines choses. Mais je vais pouvoir faire plus de musique de chambre : avec les musiciens de mes orchestres bien sûr, mais aussi, pour Paris, des solistes invités tels qu’Isabelle Faust au violon. Diriger un orchestre est une joie extraordinaire mais à la fin, la musique de chambre est tout simplement ce qu’il y a de plus merveilleux ».

 

Yutha Tep

Du tac au tac

  • Votre bruit préféré ?

    Le pianissimo le plus imperceptible d’un orchestre.
  • Votre compositeur préféré ?

    Mozart
  • L’œuvre que vous auriez voulu créer ?

    La Symphonie n° 7 de Schubert.
  • Le compositeur que vous voudriez défendre ?

    Assurément des compositeurs vivants tels qu'Andrew Norman ou Jimmy Lopez.
  • Votre livre préféré ?

    La biographie de Mozart par Wolfgang Hildesheimer, le premier livre sur la musique que j’ai lu à l’âge de 7 ans
  • Les objets qui ne vous quittent pas ?

    Un flacon de parfum et ma baguette
  • En qui voudriez-vous vous réincarner ?

    Sans discussion, Gustav Mahler.

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