Portraits d'artistes - Chef

Henri Chalet retour à Notre-Dame

Henri Chalet Partager sur facebook

Directeur et chef de chœur principal de la Maîtrise Notre-Dame de Paris depuis 2014, Henri Chalet se prépare à réinvestir l’emblématique cathédrale qui peut enfin réouvrir, et à célébrer le lieu aussi bien que la formation tout au long de cette nouvelle saison.

Cela fait dix ans que le chef dirige la Maîtrise Notre-Dame de Paris, une fonction qui a découlé très naturellement de son parcours : « Enfant, je chantais moi-même dans une maîtrise. Par la suite j'ai fait des études de direction de chœur et j'ai été organiste, avec un poste de titulaire à Notre-Dame de Versailles pendant 12 ans. Ce sont les trois cartes à avoir en main pour devenir chef de chœur dans une grande maîtrise comme Notre-Dame. Pour l’anecdote, quand j’ai commencé à faire beaucoup d’orgue, mon grand-père répétait à tout le monde que je finirais à Notre-Dame… C’est amusant que la vie m’ait effectivement conduit ici même si c’est en tant que chef de chœur. » Née il y a 850 ans environ, la maitrise Notre-Dame de Paris a beaucoup évolué dans la dernière décennie : « La maitrise est aussi ancienne que la cathédrale, mais elle a été repensée et restructurée il y a une trentaine d’années seulement. C’est un projet unique en France qui relie l'État, la ville de Paris et l'Église, ce qui est assez beau je trouve. La structure a trois missions principales qui sont l’école de chant, la liturgie et la saison musicale qui est à la fois l'aboutissement de la pédagogie et le prolongement de la spiritualité de la cathédrale. La maitrise a évolué au fil du temps, d’abord avec mes prédécesseurs puis moi-même. Le nombre d’élèves a nettement augmenté, ils sont 150 aujourd’hui, et le parcours a également changé : on peut entrer à la maitrise à 5 ans et en ressortir à 25 ans. On a fait en sorte qu’il y ait une certaine fluidité dans la pédagogie, pour que les étudiants puissent rester à la maitrise de l’enfance à l’âge adulte s’ils le souhaitent. Nous avons également réussi à réunir une équipe pédagogique très solide, c’est un vrai rêve, j’en suis très fier. »

Des années tumultueuses

Une chose est sûre, les dix ans d’Henri Chalet à son poste n’ont pas été un long fleuve tranquille : « Pendant mes cinq premières années à la tête de la structure, nous travaillions bien sûr à la cathédrale. Ensuite tout a été chamboulé avec l’incendie. Tout ce que nous avions construit et qui semblait si solide a été renversé du jour au lendemain, nous n’avions plus de lieu pour les concerts. Nous avons dû retrousser nos manches et nous remettre en question. L’enjeu était de pouvoir continuer nos activités dans la même dynamique qu’avant, pour ne pas gâcher 10 ans de travail et perdre l’identité vocale qui avait été créée. Heureusement, on a trouvé très vite un moyen de continuer les offices, à l’église Saint-Germain-l'Auxerrois en face du Louvre. Pour les concerts, nous avons été invités dans d’autres églises parisiennes, des grandes salles comme l'Auditorium de Radio France ou le Châtelet. Alors qu’on semblait de nouveau sur une bonne lancée, le Covid est arrivé, et de nouveau tout a été bouleversé, ce fut terrible. Mais curieusement la période de la pandémie a été plutôt bénéfique pour la maitrise. Nous n’avions jamais été aussi éloignés les uns des autres au sein de l’équipe pédagogique, mais en même temps jamais aussi connectés les uns aux autres. On sentait tous, plus que jamais, la nécessité de s’engager dans le projet collectif. Les crises que nous avons traversées nous ont aussi fait du bien. » Les dernières années, bien que hors les murs, ont été très riches pour la maitrise, avec des concerts à la Philharmonie (notamment Freitag aus Licht de Stockhausen), au Théâtre des Champs-Élysées ou encore à l'Opéra Garnier : « On a pu développer notre activité un peu partout, avec beaucoup de concerts. On a par exemple fait une première tournée aux Etats-Unis. L’idée était de conserver un rythme très soutenu pour que le retour à la cathédrale ne soit pas un choc au niveau de l’intensité du travail. On a essayé d’anticiper au mieux. »

Célébrer la réouverture

La nouvelle saison qui marque la réouverture de la cathédrale s’annonce très particulière : « C’est un événement exceptionnel et les chanteurs de la maitrise y jouent un rôle crucial. Ils sont les passeurs d’un savoir-faire historique, les héritiers d’une longue tradition. Nous avons pour mission de faire revivre 1000 ans de musique. Une partie de notre répertoire sera basée sur l’époque de construction de la cathédrale : les XIIe et XIIIe siècles ont vu l'arrivée de la polyphonie et les débuts de la notation rythmée, ce qui fut une grande révolution. Mais nous aborderons aussi le baroque, le classique, le XXe... Nous allons interpréter régulièrement de grands monuments de l’histoire de la musique, comme les Requiem de Fauré et de Mozart, l’oratorio Elias de Mendelssohn... La musique contemporaine occupera en outre une place très importante. On a passé six commandes à des compositeurs, comme Lise Borel, Thierry Escaich ou Jean-Charles Gandrille. Il y aura des concerts tous les mardis, en plus de toute l’activité liturgique. » De grandes personnalités et formations internationales sont bien sûr de la partie : « Nous avons invité des partenaires historiques qui nous ont soutenus pendant ces années difficiles. Parmi les solistes, certains sont des anciens étudiants de la maitrise, comme Eva Zaïcik, Lucile Richardot, Hélène Carpentier, Floriane Hasler… C’est un clin d’œil qui rappelle que la structure a aussi pour vocation de former les grands artistes de demain. Au sein des temps forts de cette saison, il faut mentionner aussi les récitals au Grand Orgue, un instrument mondialement célèbre qui a été remis en état. » Pour le premier concert le 17 décembre, on entendra le Magnificat de Bach : « C'est une prière qu'on chante tous les soirs à Notre-Dame. S'il y a bien un texte universel pour nous, c'est celui-là, et comme il évoque Marie, il est directement rattaché à la cathédrale. En réponse au chef-d’œuvre de Bach, on donnera plus tard dans la saison le Magnificat d’Yves Castagnet. » En attendant le concert, on peut déjà découvrir cette nouvelle œuvre dans le disque officiel de la réouverture de la cathédrale, enregistré pour le label Warner et paru en novembre.

 

Elise Guignard - publié le 29/11/24

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