Portraits d'artistes - Voix

Juliette Mey au rythme de sa voix

Juliette Mey Partager sur facebook

Révélée par une série de concours prestigieux et par le Jardin des Voix des Arts Florissants, la mezzo-soprano s’impose aujourd’hui comme l’une des jeunes voix les plus prometteuses de la scène lyrique française. À la Salle Gaveau, on peut l’entendre dans un programme de musique française, accompagnée par l’ensemble Le Palais Royal.

Il n’a fallu que quelques années pour que Juliette Mey soit propulsée sur les plus grandes scènes : « Ma carrière s’est vraiment lancée en 2021, avec le concours d’Avignon qui a marqué un tournant. Ensuite, tout s’est enchaîné : le Centre Français de Promotion Lyrique (aujourd’hui Génération Opéra), le concours Reine Élisabeth en 2023, puis Voix Nouvelles. À chaque fois, j’ai eu la chance de remporter des prix, ce qui m’a ouvert des portes et qui m’a permis de me faire connaître. Mais si je devais retenir une expérience déterminante, ce serait le Jardin des Voix, avec les Arts Florissants. Depuis 2023, nous avons tourné dans le monde entier, avec plus de trente concerts dans des lieux prestigieux comme la Scala à Milan, le Festival de Lucerne, ou encore New York. Cette aventure m’a vraiment façonnée, à la fois artistiquement et humainement. J’ai appris à travailler avec des chanteurs et des danseurs venus du monde entier, à repousser mes limites. Ce fut une école de vie et de scène. » Tout en traçant une route couronnée de succès, la mezzo conserve aussi une belle humilité. C’est à force de travail qu’elle espère marcher dans les pas des artistes qu’elle admire : « Les grandes figures qui ont marqué l’histoire du chant nourrissent mon inspiration. Maria Callas avant tout, pour sa philosophie du travail et sa vision exigeante de la musique. Federica von Stade également, notamment dans mon approche du rôle de Cherubino. Christa Ludwig et Janet Baker font aussi partie de mes repères. Pour citer des artistes de notre époque, je trouve Sabine Devieilhe particulièrement inspirante pour son intelligence musicale et la gestion de sa carrière. J’admire aussi Cecilia Bartoli pour son énergie incroyable. Je sais qu’on me compare parfois à elle, mais je ne prétends pas du tout être « la nouvelle Bartoli ». » Il faut dire que l’agilité vocale stupéfiante de Juliette Mey a de quoi impressionner. Une caractéristique typique de sa tessiture de mezzo léger : « Je me définis comme un mezzo léger, vocalisant, on parle de mezzo-soprano colorature. J’éprouve un vrai plaisir à aborder les répertoires qui exigent agilité et expressivité, comme ceux de Vivaldi ou de Rossini, je m’y sens particulièrement à ma place. Avec le temps, ma voix s’élargit, gagne en profondeur, et j’aime cultiver une certaine polyvalence. Mon objectif, c’est de préserver mon instrument tout en explorant ses possibilités. » Le répertoire baroque, qui constitue une part importante de son travail depuis son passage au Jardin des Voix, l’accompagne depuis ses débuts : « C’est un langage que j’ai intégré très tôt, assez naturellement, grâce à mes parents mélomanes. J’ai d’ailleurs suivi une formation spécialisée, en parallèle de mon cursus lyrique traditionnel, pour l’appréhender au mieux. La musique ancienne me convient particulièrement bien : elle met la voix en valeur sans malmener les jeunes instruments, ce qui est idéal pour un début de carrière. » 

Vers le romantisme français

À la Salle Gaveau le 7 novembre puis au Cercle de l'Union Interalliée le 12, c’est dans un tout autre univers que l’on retrouvera Juliette Mey : celui de la musique française romantique. Elle y sera accompagnée par l’ensemble Le Palais Royal, sous la direction de Jean-Philippe Sarcos, qui a fait de ce répertoire l’un de ses chevaux de bataille : « Ils m’ont sollicitée pour ce projet, et tout s’est construit assez naturellement. J’ai proposé quelques airs que j’aimais ou que j’avais déjà interprétés et l’ensemble m’a fait de très belles suggestions. C’est ainsi que j’ai découvert l’air d’Angèle dans Le Domino noir : c’est plutôt un rôle de soprano que je n’avais pas envisagé et j’ai adoré m’y plonger. D’autres choix, comme l’air de Marie du Cinq-Mars de Gounod, m’ont aussi ouvert de nouvelles perspectives vocales. » Chabrier, Poulenc ou encore Offenbach sont aussi présents dans ce riche programme qui propose à la fois des « tubes » et des raretés. La jeune mezzo y voit l’occasion d’assumer pleinement une nouvelle facette de son identité artistique : « Pendant longtemps, j’étais un peu frileuse à l’idée de chanter en français : la diction, la question des « r », les nasales... Mais grâce à Faust à l’Opéra de Lille puis à l’Opéra Comique, j’y ai pris goût. J’ai pu travailler avec Alexandre Dratwicki, le directeur artistique du Palazzetto Bru Zane, ce qui m’a énormément aidée. Une fois qu’on a les bons repères, chanter ce répertoire devient un vrai plaisir, d’autant plus quand c’est sa propre langue. Ma voix aussi a mûri, ce qui me permet de l’aborder avec plus de liberté et de plaisir. » Si la saison en cours lui permet d’incarner certains rôles incontournables comme Rosina ou Cherubino, Juliette Mey construit sa carrière en gardant la tête sur les épaules : « J’ai encore de nombreux rêves à réaliser : Ariodante, Sesto (dans La Clémence de Titus), ou encore les grands rôles rossiniens comme Cenerentola, Desdemona... Du côté français, j’aimerais beaucoup explorer Cendrillon de Massenet mais aussi redonner vie à certains ouvrages d’Auber. Mes envies se réalisent peu à peu, mais j’essaie avant tout de garder une ligne de conduite simple : faire les choses au rythme de ma voix. Je veux continuer à grandir, à me découvrir en tant qu’artiste, à m’amuser sur scène avec mes partenaires, à partager sincèrement avec le public. Ce que je souhaite, c’est une carrière durable, raisonnée, fondée sur le plaisir et le respect de la musique. »

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