Portraits d'artistes - Voix

Cyrille Dubois une voix française

Cyrille Dubois Partager sur facebook

Depuis une dizaine d’années, le paysage lyrique français compte parmi ses plus belles étoiles le ténor Cyrille Dubois. On le retrouve cet hiver pour le rôle de Gérald dans Lakmé de Leo Delibes mais également pour des concerts autour d’Offenbach et de Mozart.

Après un passage remarqué à l’Atelier Lyrique de l’Opéra de Paris puis un triomphe aux Victoires de la Musique Classique en 2015, Cyrille Dubois enchaine les engagements sans jamais perdre de vue l’essentiel, la passion de la musique : « Depuis le début de ma vie de chanteur, le chemin s’est un peu déroulé tout seul sous mes pas, j’ai eu beaucoup de chance. J’essaie de ne pas trop me poser de questions dans ma pratique musicale sur ce qui a été fait, je cherche plutôt à proposer quelque chose qui me ressemble, avec ma vérité et mon ressenti, sans le poids de toute la connaissance historique et des usages. C’est de cette manière-là qu’on conserve la passion du métier. J’aime bien cette citation de Confucius : “Choisis ton métier, tu ne travailleras aucun jour de ta vie.” » Une passion qui ne vient d’ailleurs pas uniquement de la musique elle-même selon le chanteur : « Il faut toujours être en partage avec ses collègues et le public. Lorsque l’on va par exemple dans des lieux reculés, où il y a peu d’événements culturels dans l’année, le concert est un moment exceptionnel pour les spectateurs et je trouve qu’il est extrêmement gratifiant pour un artiste de pouvoir partager ces moments. Les rencontres humaines valent autant que la qualité musicale de ce que l’on fait. » Tout en suivant une route très personnelle, le ténor ne manque pas d’admirer certains grands modèles : « Pendant pas mal d’années j’ai tenté de chanter « à la manière de… », ce qui m’a fait beaucoup de mal. Je me suis détaché de ce fonctionnement mais j’ai énormément de respect pour certains artistes qui nous font rêver, comme Roberto Alagna ou Juan Diego Flores. J’admire aussi beaucoup Ian Bostridge pour le travail musical et intellectuel extrêmement fouillé qu’il propose, ou les Prégardien, père et fils, qui respirent la musicalité dans tout ce qu’ils interprètent. »

L’amour 
de l’opéra-comique

Au Théâtre des Champs-Élysées dans une version de concert produite par Les Grandes Voix, Cyrille Dubois reprend un rôle qu’il avait chanté pour la première en 2014 à l’Opéra de Saint-Étienne, celui de Gérald dans Lakmé : « L’air de Gérald a été mon air d’audition pendant pas mal d’années. J’aime ce personnage, il part avec plein de certitudes mais se retrouve désemparé face à l’inconnu et découvre un amour véritable. J’y trouve un écho dans ma personnalité et dans l’époque que nous traversons : l’œuvre nous présente un Occident pétri de certitudes qui a beaucoup à apprendre d’un Orient bien sûr idéalisé à l’époque de Delibes, et la rencontre des deux cultures fait naître la plus belle des choses. » Le chanteur voue un amour sans borne au répertoire de l’opéra-comique : « C’est comme une évidence pour mon instrument et pour ma sensibilité musicale. Il est aussi très intéressant de chanter dans sa propre langue. Bien entendu, j’aime travailler sur des langues étrangères, mais je reste persuadé qu’un interprète qui chante dans sa langue maternelle, avec le poids de son éducation et de sa culture, apporte une profondeur en plus. Je crois aussi qu’en tant que chanteurs français, nous sommes les héritiers d’une grande tradition qu’on doit respecter et faire évoluer vers une modernité différente. » 

Pureté mozartienne

Toujours au Théâtre des Champs-Élysées, le chanteur se produira lors d’un Gala Mozart avec le Concert de la Loge dirigé par Julien Chauvin : « Les incursions dans Mozart me font toujours beaucoup de bien, j’ai l’impression de me glisser sous une couverture chaude. Vocalement tout est naturel et conduit de façon intelligente pour la voix. D’un point de vue plus musical, on trouve dans le répertoire mozartien une forme de simplicité, mais plus on s’y plonge, plus on se pose de questions et plus les envies d’interprétations changent selon les sentiments dans lesquels on est. Cette apparente pureté est donc doublée d’une complexité infinie, c’est ce qui me passionne et qu’il est difficile de retransmettre. J’aime retourner régulièrement à certains rôles mozartiens, comme Ferrando dans Così fan tutte, car même s’il n’y a plus de surprises, il y a toujours un émerveillement. » Une autre date conduira le chanteur à la Maison de la Radio pour un concert Offenbach avec l’Orchestre National de France et Patricia Petibon : « J’embrasse tous les répertoires car je n’aime pas être catégorisé et je respecte toutes les musiques, de la plus ancienne à la plus contemporaine, de la plus sérieuse à la plus légère. J’essaie de rendre hommage à tous les répertoires, c’est le devoir que je me donne en tant qu’interprète. La musique d’Offenbach est amusante et rafraichissante. Et dans notre monde d’aujourd’hui si tourmenté, un peu de légèreté ne fait pas de mal ! Ce concert sera comme une respiration pour passer d’une année à une autre. » Fort de ses expériences dans tous les styles et d’une curiosité insatiable, Cyrille Dubois sait comment orienter la suite de sa carrière : « On n’est jamais certain de la façon dont va évoluer son instrument, mais j’aimerais continuer d’explorer le répertoire de l’opéra-comique car plein de partitions mériteraient d’être exhumées. Je ne délaisserais pour rien au monde non plus la mélodie française à laquelle je voue un amour infini. Je souhaite continuer également à explorer la musique baroque, notamment Rameau. Je rêve d’incarner Platée. J’ai récemment chanté un rôle un peu fou dans Point d’orgue de Thierry Escaich et cela m’a ouvert un champ des possibles. J’aime beaucoup ces rôles transgressifs mais touchants, plus fouillés que celui de l’éternel amoureux qu’on chante souvent en tant que ténor. À mon stade de carrière, les preuves sont faites mais il faut trouver l’énergie de ne pas rester sur ses certitudes, de continuer à essayer de surprendre dans différents répertoires pour pouvoir durer, ce qui est le plus dur. »

Le chemin que trace avec tant de talent Cyrille Dubois semble donc nous réserver une foule de belles surprises !

 

Élise Guignard

Du Tac au Tac

  • Votre métier si vous n’aviez pas été chanteur ?

    Chercheur.
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    Benjamin Britten.
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    Così fan tutte de Mozart.
  • La qualité que vous appréciez le plus chez un musicien ?

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  • L’époque où vous auriez aimé vivre ?

    Il y a 100 ans, au début du XXe siècle.
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CD & DVD

  • Gabriel Fauré - Complete songs

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    Cyrille Dubois, ténor ; Tristan Raës, piano. 3 CD Aparte
  • Jean-Philippe Rameau - Achante et Céphise

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    Les Ambassadeurs. Dir. : A. Kossenko. Avec S. Devieilhe, C. Dubois, D. Witczak & J. Van Wanroij. 2 CD Erato
  • Camille Saint-Saëns - Phryné

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    Orchestre de l’Opéra de Rouen Normandie. Dir. : H. Niquet. Avec F. Valiquette, C. Dubois, T. Dolié… 1 livre-disque Bru Zane

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