Dossiers Musicologiques - Musique ancienne

Antonio Caldara De Venise à Vienne

Antonio Caldara
Antonio Caldara s’est illustré dans tous les genres musicaux.
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Glorifié en son temps, Caldara n’occupe pourtant qu’une place mineure dans les salles de concert de nos jours. À l’occasion de la production de Maddalena ai Piedi di Cristo à la Philharmonie, revenons un peu sur la riche carrière du musicien, de Venise à Rome puis Vienne.

Antonio Caldara fut un compositeur particulièrement prolifique, comme en témoignent les centaines de partitions qu’on a retrouvées qui couvrent tous les domaines imaginables : opéras, oratorios, cantates, motets, madrigaux, messes, sonates, quatuors, pièces pour clavier… Pourtant, il fut bien vite oublié et ce n’est qu’au xxe siècle qu’il ressortit de l’ombre grâce à une poignée de brillants chercheurs. Cependant, sa notoriété actuelle ne rend toujours pas justice à l’influence qu’il eut à l’époque baroque, auprès de Telemann et Bach notamment, ou au commencement de la période classique auprès de Haydn, qui fut marqué par sa musique à ses débuts à Vienne.

Né à Venise en 1670 dans une famille de musiciens, Caldara put profiter dès ses jeunes années de la riche vie musicale qu’offrait la ville. L’opéra vénitien était à son apothéose grâce à Francesco Cavalli et la musique religieuse connaissait elle aussi de belles heures. Les multiples églises de Venise possédaient souvent un chœur et un orgue, voire un orchestre permanent. La basilique San Marco, dont le poste de maître de chapelle brillait par son prestige, attirait les plus grands musiciens. Le père de Caldara, violoniste et théorbiste, enseigna à son fils les bases de la musique. Antonio intégra la maîtrise de San Marco, et fit son apprentissage auprès du renommé Giovanni Legrenzi. Il étudia le violoncelle, l’alto et la composition. À 19 ans seulement, il fit donner son premier opéra, L’Argene. Il publia à la fin des années 1690 des sonates en trio et une première série de cantates, qui étaient sans doute données dans des salons vénitiens. C’est également à cette période qu’il commença à s’intéresser à l’oratorio, résolument dans l’air du temps.

Premier chef-d'œuvre

Il composa Maddalena ai piedi di Cristo, probablement donné pour la première fois en 1698. La Sainte avait inspiré maints artistes dès le xviie siècle, aussi bien en musique qu’en peinture ou en littérature. En Italie, Luigi Rossi et Girolamo Frescobaldi lui avaient déjà consacré de belles œuvres. De plus grande ampleur que ces dernières, Maddalena ai piedi di Cristo est aujourd’hui l’une des œuvres les plus célèbres de Caldara. Composée sur un livret de Lodovico Forni (qui avait aussi été mis en musique par Bononcini), elle présente une inventivité mélodique fabuleuse notamment dans les airs de Madeleine comme « Pompe inutili », « Voglio piangere », « In lagrime stemprato », ou encore « Chi serva la beltà ».

L’année suivant la création de Maddalena ai piedi di Cristo, Caldara obtint le poste de maestro di cappella da chiesa e dal teatro pour le duc de Mantoue Ferdinando Carlo. Passionné d’opéra, le duc investissait de très généreuses sommes pour les productions lyriques à sa cour, offrant un terrain de jeu idéal au musicien. Pendant cette période, Caldara composa de nouveaux opéras et oratorios.

En 1707, il quitta le duc de Mantoue, qui avait connu des déboires pendant la guerre de succession d’Espagne, pour s’installer à Rome dont l’activité musicale était plus florissante que jamais avec la présence de Scarlatti, Händel ou encore Corelli. Les artistes pouvaient bénéficier du mécénat de riches et influentes familles, comme celles du cardinal Pietro Ottoboni ou du marquis Francesco Maria Marescotti Ruspoli. Dans ce milieu très propice à la création musicale, Caldara fit donner Il Martirio di Santa Catarina dans le palais du cardinal Ottoboni. Il partit ensuite à Barcelone en 1708 à l’occasion du mariage de l’archiduc d’Autriche et prétendant au trône d’Espagne Charles III. Il fit représenter son opéra Il piu bel nome, sans doute le premier opéra italien donné en Espagne, que le prétendant au trône apprécia grandement.

De retour à Rome, Caldara fut engagé par le Prince Ruspoli qui organisait toutes les semaines des réunions musicales où étaient jouées de la musique de chambre et des cantates. Porté par cette effervescence, le compositeur écrivit une ribambelle de nouvelles pièces, destinées aux chanteurs et musiciens travaillant pour le prince. Il rencontra dans ce cadre la contre-alto Caterina Petrolli, qu’il épousa. Le style de Caldara évolua vers des lignes vocales plus périlleuses pour les interprètes et un goût pour les rythmes de danse. Il composa neuf nouveaux oratorios dont six furent donnés lors des représentations de carême de 1715, après l’arrivée de Ruspoli dans son nouveau palais du Corso.

Départ pour Vienne

En 1711, année de son mariage avec Caterina, l’empereur Joseph Ier mourut et Charles III devint son successeur sous le nom de Charles VI. Caldara, se souvenant de l’estime que le nouvel empereur avait porté à son travail, y vit l’occasion d’obtenir un illustre poste à Vienne. Malheureusement pour lui les places étaient déjà prises et il dut attendre la mort de Marc Antonio Ziani en 1715 pour que Johann Joseph Fux devienne Kapellmeister à la place du défunt et que lui-même puisse obtenir l’ancien poste de Fux, Vizekapellmeister, le 1er avril 1716. Caldara s’installa alors à Vienne avec son épouse et les deux filles qu’ils avaient eues entre temps. Charles était passionné de musique tout en ayant conscience de la portée politique qu’elle pouvait avoir en faisant rayonner le prestige de l’Empire. Son règne fut une période idyllique pour la création musicale. Le Hoftheater construit par le père de Charles, Léopold Ier, pouvait en outre accueillir de riches productions lyriques. L’année était rythmée par des cérémonies qui requéraient des opéras, comme le carnaval et surtout les fêtes et les anniversaires de l’Empereur et de l’Impératrice. Le jour de la Saint Charles était par exemple célébré par la création d’un opéra mettant en scène une illustre personnalité historique ou mythologique. Pour le carême, plusieurs nouveaux oratorios étaient également donnés. Débordé par une charge de travail écrasante et souffrant de la goutte, Fux laissait Caldara en charge de la plus grande partie des tâches, dont systématiquement l’opéra annuel pour la fête de l’empereur. Charles VI vouait un tel amour à la musique de Caldara qu’à partir de 1729, il le paya plus que le Kapellmeister lui-même. Le poète Apostolo Zeno, devenu en 1718 poète officiel de la cour, fournissait au musicien une multitude de livrets, et à partir de 1730, Metastasio prit sa suite. Pendant 20 ans, jusqu’à sa mort en 1736, le Vizekapellmeister composa ainsi sans relâche, dans un style de plus en plus influencé par la musique germanique. Il parvint à réunir les traditions vénitiennes, napolitaines (dans la virtuosité vocale notamment), les apports de Corelli dans la musique instrumentale, et le riche et dense contrepoint venu d’Allemagne. Il élabora une série impressionnante d’ouvrages lyriques, dont Mithridate et La Clemenza di Tito (sur le même livret que Mozart plus tard) et de très nombreux oratorios (dont Morte e sepoltura di Christo).

 

Élise Guignard

Repères

  • 1670

    naissance à Venise
  • 1698

    composition de Maddalena ai piedi di Cristo
  • 1700-1707

    Caldara travaille pour le Duc de Mantoue
  • 1708

    création de l’opéra Il più bel nome à Barcelone
  • 1709-1716

    maître de chapelle du prince Ruspoli à Rome
  • 1716

    Vice-maître de chapelle à Vienne pour l’empereur Charles VI
  • 1728

    création de Mithridate
  • 1734

    création de La Clemenza di Tito
  • 1736

    décès à Vienne

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