Tous les matins du monde 31e anniversaire
Le Concert des Nations. J. Savall, viole & direction ; P. Quignard, lectures. Marais, Lully, Couperin...
Trente ans après Tous les matins du monde.
Il y a plus de trente ans, Jordi et moi, Montserrat Figueras qui n'est plus là, Alain Corneau qui n'est plus là, tous les musiciens, les ingénieurs du son, nous nous retrouvâmes dans une église, au mois de janvier 1991, pour enregistrer la bande son de Tous les matins du monde à Saint Lambert des Bois - qui est la seule église qui soit restée debout après la destruction de l'abbaye de Port Royal les Champs sur l'ordre du roi Louis XIV. J'ai retrouvé dans le petit pavillon de musique de mon ermitage, sur le couvercle d'un des pianos, le plan de travail, la liste des musiques du film, le minutage, même l'itinéraire pour arriver au désert.
On enregistrait au milieu de la nuit, dans le froid glacial de la nef, après avoir dîné vers 23 heures dans une pizzeria affreuse où nous attendait à la porte un grand Mickey Mouse à taille humaine en plâtre. C'était le Mickey Mouse de Port Royal les Champs. On mangeait très tard parce qu'on attendait que les avions aient cessé de voler au dessus du clocher de Saint Lambert. À peu près vers une heure du matin, les sons des réacteurs, venant d'Orly, ou abordant Orly, s'effaçaient dans le ciel.
Alors, dans le froid, au coeur de la nuit, Jordi levait sa main, faisait silence, la musique s'élevait.
Enfin Salle Gaveau, dans un silence hélas un peu augmenté par les morts, dans la nuit toujours, je vais retrouver mon ami Jordi pour interpréter, trente et un ans après, Tous les matins du monde.