Ludmila Berlinskaïa la musique en héritage

Fille du grand Valentin Berlinsky, violoncelliste qui fut l’un des membres fondateurs du Quatuor Borodine, Ludmila Berlinskaïa a fait de la musique de chambre sa deuxième langue. Pour le centenaire de son père, elle a imaginé le festival Berlinsky 100 à la Salle Cortot.
Comme on peut l’imaginer, pour Ludmila Berlinskaïa, la musique fit partie des premières découvertes de la vie : « On peut dire que je suis née entourée de musique. Dès mes premiers jours, j’entendais les répétitions du Quatuor Borodine dans l’appartement familial. Le piano s’est imposé comme une évidence à mes débuts : c’était l’instrument par lequel il fallait commencer, avant peut-être d’en aborder un autre. Comme cela a tout de suite très bien fonctionné pour moi, j’ai continué dans cette voie de manière très naturelle. » Sous l’égide d’une figure paternelle très inspirante : « J’ai énormément joué avec mon père, dans des contextes très variés. J’ai aussi eu l’occasion de me produire avec le Quatuor Borodine, toujours à ses côtés. Nous avons partagé une grande partie de notre vie musicale : en trio, en duo, et à travers de nombreuses sonates que nous avons travaillées et interprétées ensemble. » Souhaitant lui rendre hommage à l’occasion de son centenaire, la pianiste a conçu le festival Berlinsky 100 à la Salle Cortot. Avec une programmation sur mesure : « J’ai choisi le programme en fonction des œuvres qu’il avait déjà interprétées, non seulement dans le répertoire du quatuor à cordes mais aussi dans celui de la musique de chambre de manière plus large, et en tenant compte de ses goûts. Il y avait des compositeurs qu’il adorait, ou avec lesquels il avait noué une véritable amitié, comme Chostakovitch. Bien sûr, il est impossible de faire entrer tout l’univers de Valentin Berlinsky dans seulement quatre concerts, mais j’ai cherché à varier. Pour l’ouverture du festival, nous avons retenu une œuvre avec voix, et ce n’est pas un hasard : la mère de mon père était cantatrice, elle chantait à l’opéra et possédait une voix de contralto très rare. Lui-même aimait profondément le chant ; il répétait toujours que, s’il avait eu une voix, il aurait abandonné le violoncelle. »
Amis & élèves
Pour ce qui est des interprètes, Ludmila Berlinskaïa a également choisi des musiciens ayant entretenu des liens étroits avec Valentin Berlinsky : « J’avais à cœur qu’il y ait des amis proches, ceux qui ont vraiment connu mon père. Mikhail Kopelman, premier violon du Quatuor Borodine pendant vingt ans, viendra spécialement de New York. Dmitri Sitkovetsky, magnifique violoniste installé à Londres et lui aussi très proche de mon père, sera également présent. Les quatuors invités prolongent tous son héritage : le Quatuor Danel, véritable continuation de Borodine, le Quatuor Valentin Berlinsky, le Quatuor van Kuijk, le Quatuor Modigliani, ainsi que le Quatuor du Kazakhstan, dont deux membres furent ses élèves. L’Académie de la fondation Gautier Capuçon sera aussi représentée et on pourra compter sur la présence de la violoncelliste Anastasia Ushakova, qui a fondé une académie semblable en Russie, qui porte le nom de Berlinsky. Une très grande pianiste viendra pour le concert de clôture, mais c’est une surprise. » Entre concerts, master class et projection de film, le festival s’annonce riche. Il permettra en outre de présenter la nouvelle édition enrichie et révisée de la biographie de Valentin Berlinsky, intitulée Le Quatuor d’une Vie et écrite par la petite-fille du musicien. Ludmila Berlinskaïa espère insuffler une atmosphère chaleureuse à l’événement : « J’ai pensé les choses comme un salon musical, ce qui est idéal dans la salle Cortot. Les concerts seront présentés par Clément Rochefort et ponctués de conversations avec le public. Nous sommes très heureux aussi de la collaboration avec l’École Normale de Musique, qui nous accueille chaleureusement et met ses salles à disposition. »
Un duo au sommet
À travers le festival transparait bien sûr la passion de sa fondatrice pour la musique de chambre, qui se produira auprès des diverses formations invitées. Ayant partagé la scène avec les plus grands, elle a aussi créé avec son époux Arthur Ancelle un duo de piano reconnu internationalement : « J’ai joué le répertoire chambriste toute ma vie, dans toutes les formations possibles. Depuis quinze ans, le duo de piano que j’ai fondé avec mon époux nous occupe particulièrement. Nous avons notamment créé le festival Rungis Piano Piano, entièrement dédié au répertoire pour deux pianos et nous gérons une classe spécialisée à l’École Normale, ce qui n’existe pratiquement nulle part ailleurs. » La belle actualité du duo a de quoi attirer aussi bien les amoureux de piano que les amateurs de répertoires rares : « Avec Arthur nous souhaitons faire rayonner le répertoire pour deux pianos, qui est immense. Notre dernier disque, intitulé « American dream », vient tout juste de sortir chez Alpha Classics. On peut y découvrir des compositrices peu connues, notamment Dana Suesse avec son concerto pour deux pianos. Nous l’avons donné fin septembre à la Seine Musicale et on le présentera à notre festival. Nous jouerons par ailleurs un autre programme en novembre au Musée d’Orsay dans le cadre de l’exposition consacrée à John Singer Sargent. »
Elise Guignard - publié le 01/10/25