Portraits d'artistes - Piano

Alain Planès le passeur

Alain Planès
Alain Planès a enregistré une importante discographie consacrée à Haydn pour le label Harmonia Mundi.
Partager sur facebook

En mars, dans le cadre du nouveau festival parisien dédié au piano des origines à nos jours, Alain Planès se fera le passeur sur pianoforte du classicisme souriant à travers master class et récital.

À l’image de l’homme baudelairien qui chérira la mer, Alain Planès, un homme libre, s’est toujours méfié des sirènes de la gloire, préférant se concentrer sur son art tel un alchimiste dans son atelier. Après ses études au Conservatoire de Paris auprès de Jacques Février et de Jean Doyen, ce Lyonnais a trouvé matière à se réaliser lors de ses séjours au Festival de Marlboro dans le Vermont chez son fidèle mentor Rudolf Serkin dans les années 80, et ensuite comme soliste choisi par Pierre Boulez à l’Ensemble Intercontemporain. Ouvert aux expériences plurielles, mais ferme dans ses convictions, il a fréquenté des chemins de traverse parallèlement à son enseignement au CNSM. Sa passion pour l’interprétation sur instruments d’époque ne date pas d’aujourd’hui, et sa pratique des pianos modernes ne l’a pas empêché d’aborder d’autres claviers comme le pianoforte ou les pianos Pleyel : « Dès mes années de jeunesse, je me suis intéressé aux compositeurs du xviiie siècle et il m’arrivait d’accéder à la tribune de l’orgue historique de Malaucène dans le Vaucluse pour me familiariser avec cette musique qui me séduisait déjà. Et puis, il y a eu la découverte de Gustav Leonhardt qui a eu sur moi le même effet déclencheur que pour mon ami le musicologue et écrivain Jacques Drillon récemment décédé. »

Certes, le pianiste français n’a jamais dédaigné les Steinway de concert dont il a souvent fait son miel et ne manifeste pas de dogmatisme. Au disque, ses nombreux enregistrements réalisés pour le label Harmonia Mundi autour de la musique française, germanique ou mitteleuropa (de Chabrier à Bartók en passant par Schubert ou Janáček) en témoignent. Pourtant, le cas échéant, il a tenté de se rapprocher de l’original, et ses CD Chopin (l’un en 2009 intitulé Chopin chez Pleyel, l’autre en 2019 autour des 21 Nocturnes de Chopin magnifiquement enregistrés sur un piano de 1836 qu’aurait pu connaître le compositeur polonais) manifestent de son appétit pour ces instruments à table d’harmonie en bois aux aigus si clairs et limpides et aux basses chaleureuses.

Un retour aux sources

« Si l’on me demande pourquoi je préfère interpréter les Sonates de Haydn sur pianoforte, la réponse coule de source ; j’y retrouve ce classicisme souriant, cette vivacité, cette vibration rythmique à la fois franche et brillante qui me fait entrer en sympathie avec cette musique. La vie y est toujours présente avec ce rebondissement, cette légèreté de touche inouïe, ces effets de surprise qui sont le pain quotidien du langage de Haydn. Aux Bouffes du Nord, en un dialogue fructueux avec mon collègue néerlandais Ralph Van Raat, nous confronterons nos interprétations mutuelles, en ce qui me concerne sur une copie d’un pianoforte viennois Walter de 1792, et lui sur le grand Steinway D de concert avec des Études de Ligeti. » Alain Planès interprètera à cette occasion les Variations en fa mineur, la Partita en sol majeur et la Sonate en do majeur Hob.XVI : 48, un concert prolongé par une rencontre-discussion avec les artistes invités.

Il aura l’occasion auparavant, à la Bibliothèque musicale La Grange-Fleuret, toujours en compagnie de Ralph Van Raat, de guider une dizaine d’étudiants sur la pratique du pianoforte dans le répertoire classique autour de Wilhelm Friedman Bach, Haydn, Mozart… « C’est une expérience qui m’est habituelle car je suis présent régulièrement à l’abbaye de Royaumont où je forme de jeunes talents à l’exercice du piano, ainsi que du lied et de la mélodie avec le baryton Stéphane Degout. »

Outre sa participation au Festival Pianos, pianos qui s’ouvre sur une exposition intitulée « Le piano, des sources à la scène », Alain Planès a dans sa besace de nombreux projets qu’il espère pouvoir concrétiser : « Avec Stéphane Degout, nous préparons une tournée autour de La Belle Maguelone de Brahms, un cycle merveilleux de lieder qui nous tient particulièrement à cœur et que nous donnerons au printemps au Théâtre de l’Athénée, puis dans diverses villes françaises et à Bruxelles si les événements le permettent. J’ai aussi l’intention d’enregistrer un CD Satie auquel je réfléchis depuis longtemps et ensuite un disque de mélodies de Fauré, toujours avec Stéphane Degout. J’aimerais également voir paraître des Sonates de Beethoven enregistrées en DVD et filmées par la réalisatrice Solrey qui m’a déjà consacré un documentaire "Alain Planès, l’infini turbulent". » Malgré le temps qui passe, ce musicien hors pair a toujours la tête dans les étoiles et ce pouvoir d’émerveillement qui est la marque des artistes-nés.

 

Michel Le Naour

Restez connectés