Portraits d'artistes - Cordes

Quatuor Diotima un accord parfait

Quatuor Diotima Partager sur facebook

A l’occasion de leur trentième anniversaire, les Diotima célèbrent la richesse du répertoire pour quatuor à cordes au Théâtre des Champs-Élysées. De Ravel à Saariaho, ils nous plongent dans de fascinants univers sonores.

Dès sa fondation en 1996, le Quatuor Diotima, par son nom, s’est inscrit non seulement dans la tradition du romantisme allemand (celui du poète Friederich Hölderlin et de sa muse), mais aussi dans le sillage du compositeur italien Luigi Nono dont l’œuvre Fragmente-stille, an diotima, quatuor à cordes (1980) représente, à travers les vers d’Hölderlin, un ancrage dans la modernité. Cette profession de foi a toujours guidé la démarche de quatre musiciens fervents dont le répertoire se renouvelle sans cesse. Dans le cadre d’une résidence à l’occasion de leur trentième anniversaire, ils se produiront au Théâtre des Champs-Élysées pour trois concerts dont le premier en décembre est consacré à des Quatuors de Ravel, Szymanowski et Saariaho. L’altiste du Quatuor, Franck Chevalier, en justifie le contenu : « Ce programme fait partie de notre marque de fabrique et de notre ADN avec la volonté que nous avons toujours eue de couvrir l’histoire du quatuor à cordes, du romantisme à nos jours avec une affinité particulière pour la musique contemporaine. »

Trois quatuors à l’inspiration diversifiée

Au TCE, le Quatuor Diotima a choisi de présenter trois œuvres bien différenciées qui ouvrent des perspectives tout à fait originales : « Notre attachement à la musique française se traduit par l’hommage que nous rendons à Ravel pour les 150 ans de sa naissance, avec son Quatuor à cordes de 1902 représentatif du genre comme l’est celui de Debussy. Il y a dans le style de Ravel une résonance particulière au niveau des sonorités, de l’harmonisation, des couleurs et même de la forme qui annoncent l’avenir. » Moins fréquenté, le Quatuor n° 2 du Polonais Karol Szymanowski composé en 1927 à Paris sera pour beaucoup une découverte : « Les liens du compositeur avec la France et les artistes français de son époque ont été permanents. La transparence de son style est aussi redevable à sa connaissance de notre musique. Il y a chez lui une flamme et un lyrisme moins radical que dans la musique de Bartók. Cette œuvre demande un sens de l’équilibre, et pour l’interpréter il faut éviter d’être trop nerveux surtout avec le trac que peut engendrer un concert live. On retrouve dans cette partition inspirée par la musique des montagnards des Tatras polonais comme un folklore imaginaire revisité qui fait appel à la tonalité ou à la polytonalité mais avec une absence de polarité. On est en quelque sorte sur une ligne de crête. Il faut ne jamais tomber dans l’excès car ce Quatuor, comme souvent chez Szymanowski, a des tonalités diaphanes et immaculées. » En conclusion, le second quatuor Terra Memoria de Kaija Saariaho (2006), une compositrice que l’ensemble a bien connue et qui nous a quittés en 2023, a pour sujet ceux qui ne sont plus parmi nous : « L’écriture de cette partition est très personnelle par l’utilisation d’un matériau qui ne ressemble à rien d’autre, construit sur le thème de l’origine et de l’aboutissement des choses qui se déploient comme un tout au milieu d’événements appelés à disparaître dans le néant. » Toujours aussi actifs, les Diotima continuent de parcourir le monde (ils seront prochainement à l’Elbphilharmonie de Hambourg) et jouent un rôle important dans la formation des jeunes artistes, par exemple en France dans l’Académie de la Cité musicale de Metz, mais aussi en Grèce, en Arménie, en Colombie, en Chine, au Japon, en Corée, à Taïwan ou aux Etats-Unis : « Notre actualité est chargée sans pour autant nous éloigner des studios d’enregistrement. Nous avons publié l’an dernier les rares Quatuors d’Anton Bruckner et de Friedrich Klose, et cette année le Livre de Quatuor de Pierre Boulez dans l’édition de Philippe Manoury. Prochainement va paraître notre version des Quatuors d’Helmut Lachenmann, ainsi que celle d’œuvres de Kaija Saariaho, puis en juin 2026 les derniers Quatuors de Beethoven toujours pour le label néerlandais Pentatone. » Gageons qu’avec des archets si inventifs, les Diotima susciteront, Avenue Montaigne, un enthousiasme communicatif.

 

Michel Le Naour - publié le 02/12/25

 

Restez connectés