Portraits d'artistes - Chef

Christina Pluhar Passion Baroque

Christina Pluhar Partager sur facebook

À la tête de son ensemble l’Arpeggiata, Christina Pluhar continue sa route qui marie créativité et rigueur. Captivée par la musique de Rossi, elle donne un concert à Versailles consacré au compositeur, aux côtés de deux complices stars : Philippe Jaroussky et Valer Sabadus.

Luthiste, théorbiste, harpiste, compositrice et chef d'orchestre, Christina Pluhar voue un amour immodéré à la musique ancienne qui l’a conduite à créer l’ensemble L’Arpeggiata, aujourd’hui célèbre. Cette Autrichienne originaire de Graz avait commencé son apprentissage par la guitare classique : « J’ai commencé à me former très jeune et après mon bac j’avais l’impression d’avoir déjà fait le tour du répertoire de la guitare classique. Un ami m’a alors amenée à faire un stage de musique ancienne et c’est ainsi que j’ai découvert le luth. Je suis tombée amoureuse de cet instrument et de ce répertoire. J’ai quitté l’Autriche pour faire mes études à La Haye puis à Bâle, dans les deux conservatoires les plus réputés pour la musique ancienne. Quand je me suis installée en France, j’ai joué avec beaucoup d’orchestres baroques, et après une dizaine d’années, j’avais vraiment le désir de former mon propre ensemble pour avoir plus de liberté dans le processus créatif. Je voulais faire des recherches sur des répertoires peu connus, choisir les programmes et les artistes avec lesquels j’allais travailler. Dès ses débuts, L’Arpeggiata a été constituée de solistes extraordinaires aux personnalités fortes. »

Vers l’improvisation

Fondé en 2000, l’ensemble a fait un bout de chemin depuis : « Un des objectifs à la création était d’inclure l’improvisation dans notre manière de jouer la musique ancienne, ce qui était à l’époque assez nouveau. Il me semblait que c’était une nécessité parce qu’on voyait dans les sources écrites que les musiciens de l’ère baroque étaient de grands improvisateurs. L’ensemble a beaucoup progressé dans cette direction et beaucoup de gens suivent le chemin qu’on a commencé à tracer. » Si on constate aujourd’hui une véritable explosion du nombre d’ensembles spécialisés en musique ancienne, Christina Pluhar précise qu’il était rare d’interpréter le répertoire du xviie siècle il y a 25 ans : « Peu de choses sont notées par écrit sur les partitions. En général on trouve seulement une ligne de basse et une ligne de mélodie, ce qui est très peu d’informations en comparaison avec la musique du xviiie siècle. Les instrumentations ne sont pas précisées non plus. Il a fallu une grande spécialisation, une grande connaissance du répertoire et des règles d’interprétation de cette musique pour pouvoir la jouer. Pour cette raison peu de gens se lançaient là-dedans quand on a commencé, mais la liberté et la créativité qu’offre ce répertoire attirent de plus en plus d’artistes maintenant. » L’Arpeggiata s’est aussi fait connaître pour ses projets croisant les répertoires savants et traditionnels : « Cette envie a découlé de notre idée de faire de l’improvisation et du constat qu’au xviie siècle, les frontières entre la musique savante et la musique traditionnelle sont relativement ouvertes. De nombreux compositeurs de musique savante ont utilisé des basses ou des mélodies venues de la musique traditionnelle. J’aime beaucoup appeler ce répertoire le « baroque vivant ». Dans certaines cultures, comme en Amérique du Sud ou en Italie, certains instruments et certains thèmes musicaux du xviie siècle vivent encore dans la musique traditionnelle. Mais ces projets à la croisée des styles ne sont qu’une partie de notre activité. On nous met souvent dans cette case-là alors que ce n’est pas entièrement représentatif de notre travail. »

Redécouverte de Rossi

A l’Opéra Royal de Versailles, le programme est centré sur la musique de Luigi Rossi : « Luigi Rossi est un compositeur qui m’intéresse depuis très longtemps. Notre premier projet avait commencé avec Véronique Gens en 2004. Il avait été enregistré mais n’est malheureusement pas sorti à l’époque, et on a finalement publié un triple-disque en 2019 auquel Philippe Jaroussky et Valer Sabadus ont aussi participé. Mon amitié avec Philippe remonte à plus de vingt ans, et j’adore Valer Sabadus qui est un artiste extraordinaire que je connais depuis le début de sa carrière. Les avoir tous les deux ensemble pour un concert sur Rossi, c’est vraiment un rêve qui se réalise. » Il faut dire que le compositeur italien inspire particulièrement Christina Pluhar : « Rossi a une histoire particulière : il a travaillé à Rome pour la famille Barberini dont l’un des membres était Pape. La famille Barberini donnait des spectacles somptueux dans son théâtre privé, mais il a été découvert qu’elle puisait pour cela dans les fonds du Vatican… Les Barberiniont dû partir en exil et se sont installés à Paris en emmenant leurs musiciens favoris, dont Luigi Rossi. Cette histoire a marqué l’histoire de la musique car Rossi a beaucoup influencé les musiciens français, de nouvelles tendances sont apparues dans l’écriture vocale, tirant vers le bel canto. Rossi travaillait souvent avec des castrats et beaucoup d’entre eux sont arrivés d’Italie. » La cheffe souligne que le travail sur la musique de Rossi requiert certains choix, notamment au niveau de la vocalité et de l’instrumentation : « Dans les cantates on ne sait pas clairement quel type de voix était demandé. On sait grâce aux écrits que tout chanteur pou pouvait les interpréter en les transposant, mais audépart la plupart des pièces sont écrites dans une clé pour voix aiguë. Souvent la tessiture est très large, ce qui laisse penser que des castrats devaient les interpréter, d’où l’intérêt de faire ce programme avec deux contre-ténors. Vient ensuite la question de l’instrumentation, dans laquelle je pense qu’il faut chercher beaucoup de couleurs. » Outre le concert à Versailles, les mois qui viennent seront riches en émotions : « On a beaucoup de projets, mais je vais en citer deux qui sont plutôt nouveaux pour nous : on va jouer du Mozart à Salzbourg, Il Re Pastore, car Rolando Villazon nous a invités. Nous allons aussi donner au Theater an der Wien Belshazzar de Händel, qui est une nouvelle production mise en scène par Marie-Eve Signeyrole. C’est très excitant. » Autant pour L’Arpeggiata que pour son public !

Élise Guignard

Du Tac au Tac

  • Quel est votre son préféré ?

    Les cordes pincées.
  • Votre compositeur préféré ?

    Claudio Monteverdi
  • L’oeuvre que vous auriez rêvé de créer ?

    L’Orfeo
  • Le compositeur que vous voudriez défendre ?

    Luigi Rossi
  • Votre livre préféré ?

    Nicholas Harnoncourt – Musik als Klangrede
  • L’objet qui est toujours dans votre valise ?

    Des cordes pour mon théorbe
  • La personnalité qui vous inspire le plus au monde ?

    Le Dalai Lama
  • En quoi voudriez-vous vous réincarner ?

    En dauphin

3 CD

  • La Tarantella L. Galeazzi, M. Beasley, chant.

    La Tarantella L. Galeazzi, M. Beasley, chant.

    1 CD Alpha Classics
  • Claudio Monteverdi Teatro d’Amore N. Rial, soprano ; P. Jaroussky, contre-ténor ; C. Auvity, J. Van Elsacker, ténors ; J. Fernandes, basse.

    Claudio Monteverdi Teatro d’Amore N. Rial, soprano ; P. Jaroussky, contre-ténor ; C. Auvity, J. Van Elsacker, ténors ; J. Fernandes, basse.

    1 CD Virgin Classics
  • Luigi Rossi La Lyra d’Orfeo V. Gens, C. Scheen, sopranos ; G. Bridelli, mezzo ; P. Jaroussky, J.J. Orlinski, V. Sabadus, contre-ténors.

    Luigi Rossi La Lyra d’Orfeo V. Gens, C. Scheen, sopranos ; G. Bridelli, mezzo ; P. Jaroussky, J.J. Orlinski, V. Sabadus, contre-ténors.

    3 CD Erato - Warner Classics

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