Portraits d'artistes - Clavecin

Justin Taylor Le clavecin chantant

Justin Taylor
Justin Taylor a déjà enregistré plus d'une dizaine d'albums pour le label Alpha Classics.
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Depuis quelques années déjà, le jeune claveciniste est l’un des instrumentistes les plus demandés de sa génération. Ce mois-ci, il se produira à la cité de la musique dans un programme baroque et à l’Opéra de Massy dans le concerto de Poulenc.

Sollicité par la fine fleur du milieu musical, Justin Taylor apparait régulièrement sur les plus grandes scènes françaises et dans les projets les plus variés. Nommé aux Victoires de la musique classique dans la catégorie « Révélation Soliste Instrumental » en 2017, son parcours a été marqué de grandes étapes : « J’ai grandi à Angers et mon arrivée au Conservatoire Supérieur de Paris a été importante. Ce creuset avec autant de jeunes talents m’a ouvert à de nouveaux imaginaires. Ensuite il y a eu le concours de Bruges en 2015, grâce auquel je me suis fait connaitre dans le monde du clavecin. Dans les moments marquants de mon développement artistique, je peux citer aussi un concert au festival de Deauville en 2017. J’y avais remplacé au pied-levé un pianofortiste pour jouer un concerto de Mozart, et ce fut pour moi le grand début de l’aventure pianoforte. » Si les projets du claveciniste semblent ne connaitre aucune limite dans les répertoires, Justin Taylor peut définir quand même ses périodes musicales de prédilection : « Le xviiie siècle constitue sans doute ma colonne vertébrale musicale, que ce soit sa partie baroque associée au clavecin ou la seconde moitié du siècle avec le classicisme viennois et l’arrivée de Mozart et Beethoven. Mais j’aime aussi le répertoire xxe avec la période charnière de redécouverte du clavecin dans les années 1920 et 1930. » C’est à cette époque qu’est rattaché le Concert champêtre de Poulenc pour clavecin et orchestre que le musicien interprètera à l’Opéra de Massy le 22 mai : « C’est une œuvre que je connais déjà et que j’ai jouée deux ou trois fois. Elle est dans une esthétique qu’on pourrait qualifier de néobaroque, avec beaucoup de références au langage ancien et à ses figures de style. L’un de mes prochains enregistrements avec l’Orchestre National de Lille sera justement consacré à Poulenc et à d’autres concertos du xxe siècle, autour de la figure de Wanda Landowska. Cette claveciniste d’origine polonaise a fait partie des pionniers qui ont redécouvert le clavecin. Elle a inspiré des compositeurs, des facteurs d’instruments, et toute une génération d’interprètes. »

À la Cité de la Musique le 10 mai, le programme sera également français, mais d’une tout autre époque : « On est très souvent confronté en tant que claviériste ancien à faire coïncider un instrument et un répertoire. Je vais jouer sur un clavecin fait dans les années 1740 par un facteur lyonnais qui s’appelle Donzelague. L’idée était donc de trouver un répertoire qui aurait pu être joué sur ce clavecin, et j’ai choisi Rameau, Forqueray et Couperin. Je suis très attaché à la musique française et je m’y sens chez moi parce que je trouve que ce répertoire est celui qui explore le mieux le côté sensible et expressif de l’instrument. On associe souvent le clavecin à une grande énergie rythmique et non à un grand potentiel expressif, alors que ce potentiel existe. La musique française fait chanter le clavecin, tout se joue sur les résonances et les subtilités. Couperin en parle beaucoup dans ses écrits et j’adore défendre cet aspect-là. En étant à l’écoute de l’instrument, les pièces se déploient naturellement, ce qui est peut-être moins le cas pour Bach. Bien sûr sa musique est géniale mais le concept, l’idée, le discours, priment sur l’instrument tandis que Couperin, Rameau et Forqueray partent de l’instrument pour composer. »

Projets discographiques

Il est impossible d’évoquer l’actualité musicale de Justin Taylor sans mentionner aussi sa discographie : « Un album avec François Lazarevitch vient de sortir pour le label Alpha classics, sur un programme Carl Philipp Emanuel Bach. François voulait travailler autour de ses sonates pour flûte et j’ai rejoint le projet avec beaucoup d’enthousiasme. CPE Bach est un compositeur passionnant qui fait partie de ce xviiie siècle qui m’intéresse tant. Il est un peu inclassable, à la charnière entre deux époques. Il n’est pas toujours beaucoup joué car il n’est pas facile à appréhender. Son langage est très personnel, libre, tout en incluant des tournures un peu plus galantes. Il faut se remettre dans la peau du compositeur et se replonger dans son époque pour pouvoir apprécier sa musique je pense. On a essayé de construire un programme très varié, qui montre un vaste panel de ce qu’il a fait. En plus des pièces à deux, j’interprète de mon côté une fantaisie que j’aime énormément et que je tenais beaucoup à enregistrer, qui est la dernière œuvre écrite par CPE juste avant de mourir. On dirait une immense improvisation tout juste sortie de la tête du compositeur, je trouve cela fascinant, j’ai l’impression de dialoguer avec lui. » Un autre projet de disque s’annonce tout aussi captivant : « Je vais enregistrer un nouveau disque en juin, sur un clavecin magnifique de 1728 qui se trouve à Hambourg, d’un facteur allemand qui s’appelle Zell. Ce sera un programme consacré aux influences italiennes dans la musique de Johann Sebastian Bach, à commencer par le concerto italien. L’album sortira au début de l’année 2023. »

Élise Guignard

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