Dossiers Musicologiques - Musique ancienne

Bach L’Oratorio de Noël

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Composé à Leipzig pour les festivités de 1734, l’oratorio de noël de Johann Sebastian Bach fait régulièrement partie des programmes donnés lors des fêtes de fin d’année. Ce mois de décembre confirme cette règle et nous offre l’occasion de nous pencher sur la naissance d’une des œuvres les plus connues du compositeur allemand.

25 décembre, mais aussi les 26 et 27 décembre, le jour de l’An, le dimanche suivant le jour de l’An, et l’Épiphanie.

En ce Noël de l’année 1734, Bach décide de donner non pas six cantates, mais un oratorio dont l’exécution s’étalera sur les treize jours séparant Noël de l’Épiphanie. Le genre de l’oratorio s’apparente à celui de la cantate dans sa forme, mais le dépasse souvent dans sa dimension. L’Oratorio de Noël, qui correspond dans sa composition à la réunion des six cantates données habituellement, n’est pas seulement une juxtaposition de plusieurs pièces, mais bien une œuvre en elle-même : la mention « Oratorio pour les fêtes de Noël » figurant sur la partition autographe, ainsi que sur le livret imprimé distribué aux fidèles, ne laisse aucun doute à ce sujet. De plus, pour chaque cantate, Bach précise Pars prima pour la première, Pars seconda pour la deuxième, etc…, preuve que le compositeur a pensé son œuvre comme un seul ensemble. Cela dit, il est probable que peu de fidèles aient assisté à la totalité des représentations cette année-là, et beaucoup d’entre eux n’auront sans doute eu qu’une vision partielle de l’Oratorio.

Les Évangiles en musique

Bien que l’Oratorio de Noël soit à considérer dans son unité, chacune des cantates qui le constituent est également une œuvre à part entière, possédant les caractéristiques typiques des Kirchenmusik : un chœur d’ouverture (excepté la deuxième cantate qui commence par une sinfonia), une alternance d’arias et de récitatifs secco, ainsi que plusieurs chorals (dont l’un en conclusion). Le texte biblique, déclamé lors des récitatifs confiés au ténor, est extrait des Évangiles selon Saint Luc et Saint Matthieu, avec quelques citations tirées de l’Ancien Testament. On trouve également au fil de l’Oratorio des chorals de Luther, et des vers libres sans doute dus au poète Picander ainsi qu’à Bach lui-même. Finalement, la teneur évangélique est relativement faible, ne représentant pas plus d’un dixième des paroles chantées : c’est par la musique plus que par le texte que Bach véhicule le message des Évangiles.

Grâce à une orchestration chargée d’images et de figuralismes, le compositeur choisit minutieusement ses lignes mélodiques et rythmiques, son instrumentation, ses tonalités, afin d’accompagner le fidèle dans la compréhension du mystère de la Nativité : l’éclat des trompettes en fanfare pour célébrer la naissance de Jésus, les flûtes et violons pour représenter les anges, auxquels répond un quatuor de hautbois évoquant l’univers pastoral des bergers, l’intervention majestueuse des cors pour la présentation au Temple… pour enfin finir tel que l’Oratorio a commencé, à grand renfort de trompettes dans la tonalité brillante de ré majeur.

Bach a vraisemblablement composé près de trois cents cantates, même si un peu moins de deux cents nous sont parvenues. C’est à Leipzig qu’il a écrit une grande partie de ce répertoire : dès son arrivée au poste de Cantor, il commence à composer en grande quantité durant les premières années. Puis sa production ralentit, compte tenu de son emploi du temps très chargé et des difficultés matérielles rencontrées dans sa fonction.

Une parodie d’œuvres antérieures

Aussi, afin de donner une cantate chaque dimanche comme l’exige sa fonction de cantor, Bach met en pratique un procédé très courant à l’époque, celui de la parodie : il réutilise des parties de ses cantates précédentes pour élaborer de nouvelles pièces. L’Oratorio de Noël est peut-être un des meilleurs exemples de parodie. Presque tous les airs et chœurs sont tirés de trois cantates profanes : les cantates BWV 213 (1733), BWV 214 (1733), BWV 215 (1734). Le chœur n° 45 de la cinquième cantate provient vraisemblablement de la turba (chœur de foule) de la Passion selon Saint Marc (composée en 1731) malheureusement perdue, et il est probable que la sixième cantate soit la parodie complète d’une autre cantate, également perdue. Et le résultat est remarquable : Bach a su, avec tout le talent qu’on lui connaît, retravailler l’instrumentation, la métrique, le phrasé, afin d’adapter ses cantates aux textes des Évangiles. On ne peut que louer le génie du compositeur, capable de transposer ainsi du profane au sacré en donnant l’illusion que tout était pensé à l’avance. C’est d’ailleurs une hypothèse proposée par Nikolaus Harnoncourt, grand interprète de Bach, lorsqu’il remarque que dans la version sacrée des cantates, la musique accompagne le texte de manière très naturelle. Bach pensait-il déjà à son Oratorio de Noël en composant ses cantates profanes ? Voilà une question à laquelle il est bien difficile de répondre. Mais que cela ne nous empêche pas d’apprécier à sa juste valeur cette œuvre, dont le succès auprès du public, qu’il soit expert en musicologie ou amateur éclairé, est amplement mérité.

Floriane Goubault

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